Comme à chaque hiver à Djelfa, la Quira (pic de grand froid et neige) est une période propice à la préparation de mets culinaires traditionnels, dont la saveur est rehaussée par le grand froid et les neiges sévissant, au dehors.
En effet, la femme Nailie a hérité un tradition immuable de ses aïeules, consistant en la préparation durant les périodes de grands froids et de chutes de neiges, l'incontournable chakhchoukha ou berkoukes, connu localement sous le nom de merdoud arbi, une sorte de graines plus grosses que le couscous, roulées à la main, à partir de semoule de blé de qualité supérieure.
Cette tradition est encore vivace, dans le désert de Messaàd (à 80 km au sud de Djelfa), où l'APS a rencontré l'hadja Fatima, une septuagénaire résidant dans une tente avec son vieux mari.
Selon cette vieille dame de la steppe djelfie, le merdoud et la chakhchoukha doivent être impérativement préparés avec du hermass arbi (abricot séché de manière traditionnelle), en plus d'épices spéciales, représentées par le ras el hanout, zaàtar (thym) et la k'lila (lait caillé et séché).
Pour l'hadja Fatima, le froid sévissant au dehors en période d'hiver, doit être compensé par la chaleur de tous les membres de la famille réunis autour d'un grand plat de merdoud, enduit si possible d'une quantité de dehane ghenmi(beurre de brebis), qui va lui conférer un goût particulier, au même titre que de l'huile d'olive pure.
Lakhlie… une tradition gastronomique séculaire en voie de déperdition
Cette septuagénaire n'a pas manqué de déplorer avec beaucoup de regrets et de nostalgie, la disparition progressive, d'une tradition chère à son cœur.
Il s'agit d'un condiment particulier représenté par lakhlie, qui n'est autre que de la viande séchée traditionnellement pour une longue période, en prévision de l'hiver.
En dépit de la quasi -disparition de cette tradition culinaire, consistant à sécher de la viande, la vieille dame se souvient toujours du "bon goût de lakhlie cuit avec du berkoukes" de sa belle jeunesse passée, quand hommes et enfants "se délectaient de son goût dans leur bouche", et que les femmes ressentaient un plaisir immense rien qu'à son odeur "chaude", qui emplissait la Khaima (tente), "faisant oublier froid, vent, pluie et neige", assure l'hadja Fatima.
Mais heureusement, il existe encore de nos jours des familles bédouines qui ont sauvegardé cette tradition culinaire, en dépit de sa disparition dans les villes.
Des échoppes spéciales pour le hermass et les épices du merdoud
En ces jours de grand froid propice aux plats traditionnels chauds et épicés, les Djelfis sont heureux de trouver, à leur disposition, un grand nombre d'échoppes spécialisées dans la vente d'innombrables épices, dont seule la femme djelfie a le secret, à l'instar du hermass essentiel dans la préparation du merdoud, qui est également vendu, sur place, outre l'ail rouge, le ras el hanout, le zaàtar et la k'lila, considérés tous comme des condiments nécessaires dans la préparation de la chakhchoukha ou du berkoukes, qui apporteront à la famille réunie la chaleur, dont elle a besoin en cette période hivernale.
Des mets traditionnels en guise d'offrandes
Outre leur apport en chaleur familiale, ces mets traditionnels sont, également, choisis par les femmes djelfies pour être offerts en guise de maàrouf (offrande).
Ainsi le berkoukes est souvent préparé dans la région, avec des fois un ajout de viande blanche ou rouge, en vue d'être offert aux gens du quartier, voire même aux gens de passage, dans la rue, ou aux sans abris.
Dans l'esprit de nombreuses familles, cette offrande est un acte de solidarité sociale, qui va également éloigner "le mal et le mauvais sort" de leur maison.
Pour d'autres familles, ce maàrouf offert en plein hiver est une façon de remercier Dieu pour les multiples biens dont il les a gratifiés.
Sources : http://djelfa.info/fr/reportages/169.html